On pense parfois l’équilibre comme quelque chose à atteindre, à trouver. D’ailleurs on dit souvent « J’ai réussi à trouver un équilibre pro/perso ». L’inconvénient de cette manière de penser / parler l’équilibre, c’est qu’il laisse penser qu’une fois trouvé, alors ça va forcément être durable. Sauf qu’il n’y a rien de plus précaire que l’équilibre. L’équilibriste sur un Rolla Bolla en est une excellente illustration.

Une multitude de micro-équilibres

Trouver un équilibre pro/perso peut s’entendre en rapport avec une multitude de sous-domaines à explorer : l’organisation des papiers ou de l’emploi du temps, le nombre de séances/semaine, la méthodologie pour réaliser puis rédiger les bilans, la gestion financière, la gestion des formations et lecture, la quantité de travail ramené à la maison, le temps perso libre, la rémunération etc.

  • Parfois un domaine va être à l’équilibre (par exemple le financier) tandis que tout le reste sera en déséquilibre.
  • Parfois tout sera plutôt en équilibre, et un seul domaine sera en déséquilibre (par exemple la rédaction des CRBO).
  • Parfois la sensation d’équilibre sera plutôt générale pendant plusieurs semaines, puis la sensation de déséquilibre perdurera durant des mois sans trop savoir par quel bout prendre le problème.

L’équilibre n’est pas une case à cocher

Tu l’auras compris : penser l’équilibre comme un objectif unique à atteindre est une illusion. Je t’invite plutôt à le voir comme une dynamique permanente, un jeu d’ajustement continu.

🔄 Pense l’équilibre pro/perso d’une manière plus nuancée qu’en pensée dichotomique (oui / non). Voici quelques questions pour t’y aider :

  • Qu’est-ce que cela voudrait dire (concrètement) pour toi avoir trouvé un équilibre ?
  • Que ressentirais-tu si tu trouvais un certain équilibre (selon ta propre définition) ?
  • Quels sous-domaines de ta pratique pourraient favoriser un réel déséquilibre ?
  • Avec quels types de déséquilibre relatifs acceptes-tu de naviguer actuellement ?
  • Quelles seraient les 3 premières petites actions à mettre en place dans les prochaines semaines et qui te feraient avoir une sensation générale d’équilibre ?

Où ça coince ?

Plutôt que de chercher à « résoudre un problème », il est parfois plus juste de prendre le temps d’observer où se situent les déséquilibres. Ce n’est pas toi qui es « mal organisée » ou « pas assez efficace ». C’est simplement que tu portes beaucoup, dans des domaines très différents — et que certains de ces domaines pèsent plus lourd que d’autres à certains moments.

Trop, c'est trop !

  • J’ai oublié de rappeler le Dr Mamour pour lui parler de l’état de Mme Martin qui se dégrade à vue d’oeil.
  • J’ai envoyé le CRBO de Tony ou il est encore dans ma voiture ?
  • Olala j’ai peur de recevoir mon rattrapage de l’année… Pfiiiiouuuu encore  12 CRBO à rédiger…
  • Comment elle fait ma collègue pour enchaîner 60 rdv semaine et avoir de l’énergie pour faire du sport le soir ?

Charge mentale, rumination, stress… La vie des professions libérales n’est déjà pas simple, mais le pro de santé s’ajoute la « charge du soin », celui d’être en contact avec des personnes en souffrance souvent, en recherche de solutions (rapides).

Ton stock de patience n’est pas illimité

Il est parfois difficile pour certaines orthophonistes d’avoir l’impression de donner tout leur réservoir de patience à leurs patients et d’arriver à sec à la maison, explosant au moins couac dans l’organisation familiale.

Et oui, la patience a ses limites ! Et quand elle est très sollicitée, toute la journée, il n’en reste plus beaucoup le soir (ni pour les derniers patients, ni pour sa famille). C’est comme la motivation ou l’énergie, les stocks sont quotidiennement limités. Heureusement, sauf cas de fatigue extrême, la jauge se recharge de nouveau chaque jour.

Des pistes concrètes pour retrouver un meilleur équilibre pro/perso

On passe à la partie concrète ! Voici des idées actionnables pour dégonfler cette fameuse charge et éviter l’explosion du système.

1. Fais-en moins (mais mieux)

Tu essaies de faire rentrer trop de choses sur un temps insuffisant. Tu aurais besoin de journée de 35 heures, mais ça n’existe pas. Résultat ? Tu es à la bourre partout.

🚀 La meilleure chose à faire est d’annuler des projets ou de les mettre de côté pour ne pas craquer, de routiniser certaines pratiques et fais du batching. Pas essayer d’être plus productive !

➡️ Moins de rdv non-indispensables, moins de détails dans les CRBO, moins de formation chaque année (mais les travailler à fond) etc.

➡️ Se créer des routines fixes : rentrer les factures dans la compta le lundi matin, rédiger les CRBO le vendredi. 

➡️ Multitâche = fuite mentale. Rassemble un même type de tâche sur un temps défini plutôt que de changer sans arrêt. Par exemple, regroupe tes appels à passer dans un seul créneau de 45 minutes.

2. Ne néglige pas le temps extra-ortho

Tu te dis que tu ferais bien de rentrer un peu de tréso dans tes caisses. Alors, tu prends 4-5 patients de plus par semaine, mais tu ne changes rien au reste de ton organisation.

Tu as donc augmenté ton temps de travail ortho sans augmenter ton temps de travail extra-ortho.

Or, plus de patients, c’est plus de CRBO(R) à rédiger, plus de gestion des absences/vacances, plus de séances à télétransmettre, etc.

➡️ Prends le temps d’évaluer grossièrement le temps extra-ortho nécessaire par patient, puis ajuste ton planning global en conséquence.

3. Donne un copilote à ton cerveau

Tu comptes à 100 % sur ton cerveau pour gérer ton quotidien et ton équilibre pro/perso. Tu n’es soutenue par aucun outil d’organisation (même le plus basique, type une to-do list papier). Ouille !

🚀 Le cerveau ne fait pas la différence entre “penser à” et “faire”. Résultat, tu ressens une fatigue constante à devoir penser à tout sans arrêt et tout réaliser entre tes séances patient. 

➡️ Un second cerveau permet de poser tout ce qui tournoie en boucle dans ta tête, et de faire apparaître les bonnes tâches au bon moment en fonction de ton emploi du temps. NOTION & L’ORTH’ORGANIZEUR sont une pépite pour ça, tu sais ce que j’en pense !

4. Délègue (sérieusement) à la maison

Au niveau perso, tu gères peut-être 90 % de la charge mentale.

🚀 À une époque où les femmes travaillent, cette répartition ne devrait plus exister même si ton partenaire travaille beaucoup ! Parfois, ça l’arrange, il faut bien l’avouer. Oui, il est bien plus valorisant d’avancer sur ses projets pros que de rentrer pour faire des lessives et préparer à manger…

➡️  Alléger sa charge mentale en famille, ce n’est pas chercher à mieux s’organiser pour en faire plus sur le même temps. C’est tout simplement « lâcher » certaines tâches à son partenaire qui en prendra l’entière responsabilité sans avoir besoin d’un manager pour vérifier que tout a été bien fait ! Pour creuser : les BD d’Emma Clit sont un bijou.

Une autre clé de l’apaisement

Explorer le moment présent et arrêter d’être soit dans le passé (à ruminer ou regretter), soit dans le futur (à se projeter et anticiper sans cesse)… Oui, je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire !

Pourtant, on peut tenter de mettre de la pleine présence (= être pleinement présent sur l’instant que l’on vit au présent) dans plein de petits moments de notre quotidien professionnel :

  • Inspirer plusieurs fois l’odeur du café que l’on se fait couler avant le premier patient.
  • Laver ses mains à l’eau chaude avant le repas de midi et en prenant le temps de fermer les yeux en se concentrant sur la chaleur sur notre peau.
  • Manger sans rien faire en même temps (au moins quelques minutes), et en prenant le temps de bien mâcher.
  • Écouter une musique que l’on adore (en prenant le temps de ne rien faire en même temps, juste écouter) lorsqu’un patient est absent.
  • Sucer tout doucement un carré de chocolat dans l’après-midi.

Bref, tu l’as compris, pour t’aider à te ramener dans le moment présent, rien de mieux que d’utiliser tout simplement tes sens. Ils vont te servir d’ancrage. Plus tu multiplies ces petits moments de pleine présence au quotidien et moins tu seras dans la rumination ou la projection permanente (et anxieuse). En tout cas, ça vaut le coup de tenter, ça ne coûte rien et ça fait du bien.